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Les chiens mascottes des sous marins

samedi 21 janvier 2017 , par Christian LECALARD

Les chiens mascottes des sous-marins

 

       L'embarquement des chiens à bord des sous-marins, fut dans un premier temps, une nécessité, avant de devenir mascottes à part entière. Les sous-marins de l'époque n'avaient aucun moyen de contrôle de l'atmosphère ambiant, et le chien étant le plus près du plancher était le premier à être incommodé par au moins deux gaz lourds redoutables : le dioxyde de carbone (CO2) et le monoxyde de carbone (CO) s'échappant généreusement lors des ratés de lancement.

 

         Plusieurs toutous  furent victimes, et leur vie en fut écourtée.

 

         Chacunes de ces mascottes avaient leurs personnalités, et nous avons recueilli quelques témoignages parmi beaucoup d'entre nous qui ont connu ces corniauds si sympathiques.

 

         Le plus célèbre d'entre eux, car ayant eu droit à un article dans un grand quotidien britannique est Bacchus, mascotte du «Rubis» des FNFL, qui fut décoré de la «Valiant dog» par la très respectable ligue de défense canine britannique «Pour son très grand sang froid lors de la 10ème patrouille du «Rubis» qui fut particulièrement mouvementée».

 

 

Bacchus, sous le regard du Commandant Rousselot, écoute attentivement la citation du LV Simon-Dubuisson

 

 

 

 

  

 

Bacchus posant fièrement avec sa nouvelle décoration sous le canon de 75 mm du "RUBIS"

 

Sous marin "CURIE"

 

 

 


Radium, pur scottish terrier, offert par l'épouse du directeur des chantiers navals lors du passage du "Curie"  ex-HMS VOX sous pavillon FNFL en 1943. En mars 1945, alors à couple du Tourville à TOULON, Radium profondément marqué sans doute par ses séjours sous l'océan, avait "pété" un plomb ! Il passa au rapport devant un tribunal exceptionnel à bord du Curie. Son défenseur, le second-maitre timonier Henri TOUSSAINT invoqua un accès de folie passagère imputable à l'évacuation brutale d'un stress refoulé depuis deux ans : Il était reproché à l'accusé d'avoir attaqué "de façon fulgurante et tous azimuts" six matelots du Tourville qu'il avait mordus". Le tribunal se contenta de prononcer la dégradation du coupable! et le quartier-maître de 1ère classe Radium, se retrouva "apprenti marin". Il craignait particulièrement les grenadages. Au 1er coup de klaxon, il fonçait au poste central, à plat ventre les pattes en croix, entre la barre de plongée AR et la console ASDIC. Il s'oubliait avant même que l'opérateur à l'écoute ne signale la 1ère grenade. Le second maître timonier Henri TOUSSAINT était très attaché à Radium. C'est avec lui que parti le fox scottich du bord. Il le suivit partout même à bord du remorqueur que commande plus tard son maître et un jour, il a disparu en mer. "Je pense qu'il a plongé pour aller chercher dans les profondeurs, un sous-marin bleu marine dans lequel il avait beaucoup d'amis".

 

 

 Souvenirs des chiens de "L'AFRICAINE" (J.M. COLIN 1955 -1958)                  

Dans un groupe vivant en vase clos, il y a toujours quelques individus qui se démarquent des autres, un de ceux-ci était le plus ancien du bord puisqu'il avait fait l'armement du bateau et neuf ans de navigation, c'était Popeye notre chien. Eh oui ! Pourquoi ne pas commencer par lui. Nous lui devions le respect. Ce n'était pas par hasard qu'il y avait sur chaque sous-marin un chien à bord, il avait un rôle bien précis : il devait signaler par son comportement, un taux anormal de gaz carbonique, celui-ci s'accumulait au raz du parquet puisque ce gaz lourd est toxique de surcroît. Popeye aurait été le premier à ressentir les effets nocifs et par son comportement anormal aurait fait savoir qu'il était temps de déverser de la chaux sodée à même le sol pour résorber le gaz. Il est vrai qu'en temps de paix, nous faisions surface assez souvent, mais sur trois ans d'embarquement, c'est arrivé quelques fois.

Popeye était un loulou blanc du moins à l'origine car quand je fis sa connaissance, il avait le poil ras, sa queue était nue comme celle d'un petit cochon et raide comme un balai, ses oreilles étaient toutes dentelées, quelques dents lui manquaient et il boitait d'une patte arrière. Il ne risquait pas d'être confondu avec une bête de concours ! Popeye était chez lui, il allait de l'avant à l'arrière au gré de son emploi du temps, mais toujours régulier. Il connaissait les ordres, quand il était à la passerelle et qu'il entendait «Prendre la tenue de veille», il se mettait près du panneau et le premier qui descendait, le prenait, il mettait alors ses deux pattes sur les épaules de son porteur, se plaquait contre sa poitrine et se cramponnait pendant la descente. Même scénario, si nous naviguions en surface et qu'il décidait de prendre l'air, il se mettait au garde à vous à l'échelle et le premier qui montait le prenait, y compris le pacha, Popeye était prioritaire. Il dormait sur des chiffons à la cuisine, mais la nuit seulement. De jour, il faisait ses siestes au carré des officiers dans la bannette de l'ingénieur mécanicien, pourquoi celle-là et pas une autre ? Allez donc savoir ! Elle servait de siège à la table du carré des officiers. Celui-ci ne faisait pas de quart donc il pouvait s'étendre quand il le voulait sauf, si Popeye avait squatté la place. L'IM M était un marin, il n'avait pas de mal de mer et il attendait que Popeye daigne lui laisser la place pour s'allonger, mais son affectation terminée, il débarqua et son remplaçant ‘l'IM H… fut malade en mer dès son premier jour à bord. La mer était mauvaise et quand il descendit de la passerelle le tournis le prit, il voulut s'allonger mais Popeye était là et malgré les injonctions ne voulut pas s'en aller. Il faisait la sourde oreille, le pacha de sa chambre vit la scène et au moment où H… prit Popeye par le collier pour le virer, il sortit de sa chambre et lui dit : «Pas question, c'est la place de Popeye ! Quand il partira de lui-même, vous reprendrez possession de votre bien ! Â». De ce jour Popeye et l'ingénieur ne firent pas bon ménage. Popeye ne manquait jamais un appareillage. Il ne le fallait pas, un sous-marin n'appareillait jamais sans son chien. D'après ce que l'on racontait, de gros pépins étaient arrivés sans la présence d'un chien à bord. Il nous est arrivé deux fois de retarder l'appareillage pour le retrouver, à cause de chiennes en chaleur sans doute !

 

En 1956, nous partîmes pour Lorient en grand carénage, mais avant de démonter morceau par morceau le sous-marin, il y eut une période d'exercices. Les brestois profitèrent de notre arrivée pour entraîner leurs bateaux. Es-ce le changement d'air ou ses onze ans, toujours est-il qu'il commença à battre de l'aile, il est vrai que ces chiens devaient souffrir plus que la normale. Nous avions décidé de le faire piquer mais il mourut la veille du dernier appareillage, au coin du poêle. Nous vivions dans des préfabriqués et un poêle à charbon assurait le chauffage. Du coup, il eut droit à son dernier voyage sur l'Africaine avec un enterrement digne de ses états de service. Il fut mis dans une boîte métallique lestée d'une gueuse de 30 kg, avec une Croix de Guerre, récupérée lors d'une java et mise autour de son cou, le tout entouré d'un drapeau tricolore. Le pacha fit rassembler l'équipage sur les plages avant et arrière au poste de bande. Il ordonna le lancer à la mer avec une minute de silence, Popeye s'enfonça dans les flots pour son ultime voyage. Alors, plus de chiens à bord ? Que non ! Nous avions déjà la relève et étions le seul sous-marin à avoir deux chiens.

Fifille était un genre d'épagneul breton ou de terre-neuve, mitigée de caniche, poil demi long et ondulant, toute noire et de la taille de Mickey. Elle était jeune et un peu fofolle, son plaisir à bord était de courir de l'avant à l'arrière et vice versa en aboyant après les rats. Tiens, je n'en avais pas encore parlé de ceux là . Nous en avions une demi- douzaine planquée dans les nappes de câbles, impossibles à déloger. De temps en temps dans la nuit, on voyait briller leurs yeux à quelques centimètres de nous et dès que Fifille en entendait un, elle aboyait. Celui-ci se cavalait et elle le suivait dans tout le bord. Le jour ça allait encore, mais la nuit c'était infernal. L'inconvénient d'une chienne était ses chaleurs. Tous les chiens rodaient autour du bord, c'était même une source d'ennuis quand elle était pleine. Il fallait tuer les petits à la naissance. C'était un peu de notre faute aussi, car dès qu'elle était en chasse, le bosco la trimballait pour récupérer les chiens, les faisait monter dans la piaule, les enfermait chacun dans un caisson et faisons monter Fifille chacun à son tour. Vous parlez d'un divertissement !

Personne ne disait rien mais assistait au spectacle. Elle nous fit une portée de huit chiots en tournée en Tunisie. Nous en avions gardé trois. Quel cirque, ils tombaient dans la cale et manquaient à chaque fois de se noyer. Combien de fois ai-je été les chercher dans des endroits impossibles. Nous étions contents mais le pacha l'était un peu moins lors du débarquement de ce petit monde, à l'arrivée à TOULON. En 1958, il y eu changement d'état major sur le Béarn. Des ordres furent donnés interdisant l'accès des chiens à bord, plus question de les amener à la soupe avec nous. Ils restèrent avec le tiers de service. L'état-major des sous-marins ne dit rien, ils étaient d'accord pour qu'ils disparaissent. Les nouvelles technologies sur la détection du gaz carbonique ne nécessitaient plus leur présence à bord. De plus, sur les bateaux neufs, ils souffraient des oreilles à cause du schnorchel. Ceux qui avaient encore des chiens, les gardaient mais à leurs risques et périls. Si les fusiliers du Béarn les attrapaient, ils les envoyaient directement à la CEPSM (Commission d'études pratiques des sous-marins) pour servir de cobayes à diverses expérimentations.

Un beau jour, notre Fifille trompant notre vigilance se retrouva dans le hall du Béarn près de la cafétéria. Le capitaine d'armes et le CSI (Chef du service intérieur, 4 galons) passant par là , l'attrapèrent et la menèrent à la CEPSM juste à côté. Nous attendions la soupe et un gars de chez nous vit la scène G.C. et A.L…, deux colosses, foncèrent sur eux, les prirent au colback et commencèrent à les secouer comme des pruniers, les décollant du sol «Ou tu nous rends notre chien, ou on te casse la gueule». Pendant ce temps la Fifille profitant d'une mauvaise fermeture de la porte, s'échappa. Ce que voyant, nos deux lascars lâchèrent leurs proies. Mais l'affaire n'en resta pas là  , surtout que nous étions une centaine à avoir assisté à l'empoignade. Le CSI prit les noms des deux copains et les mit au rapport. Ils s'en tirèrent avec huit jours de prison avec sursis, le pacha du bord étant intervenus en leur faveur. De ce jour, les chiens furent vraiment interdits sur le Béarn. 

Voilà pour deux personnalités du bord, mais pendant que j'évoque les chiens de sous-marins, je vais vous parler de deux d'entre eux :

Prosper du Saphir de race indéterminée, tirant de ric et de rac, chien ivrogne, il prenait sa cuite tous les jours au foyer avec ses maîtres ou sans eux. Peu importe, pourvu que l'on lui tende une bière et que, jusqu'à la dernière goutte, il vide la bouteille sans bavures. Il fallait le voir debout sur le dossier d'une chaise, les pattes avant sur l'épaule du donateur, inclinant la bouteille de bière de façon à la laisser couler doucement et la lapant à grands coups de langue. Après quatre à cinq bières, il rentrait à bord. Son arrière train ne savait plus où il allait, il partait d'un bord sur l'autre, comme tout homme louvoyant en bordée.

Une autre histoire de chien s'était passée sur la vieille Junon qui navigua jusqu'en 1954, le pacha était T….. Dit «15 à gauche» à cause d'une légère claudication. Le bateau était prêt à appareiller, l'appel était en cours quand le bosco du Béarn attrapa leur chien et l'emmena à la CEPSM, pas pour le faire piquer mais tout simplement pour réaliser des expériences. Ces gens avaient besoins d'animaux pour leurs travaux d'études. L'officier en second fit prévenir le pacha qui arriva aussitôt et alla trouver les autorités du Béarn en leur disant «Pas de chien à bord, pas d'appareillage !». Personne ne voulut prendre de décision ou le croire. Si bien qu'il mit son équipage au repos sur le quai et attendit. A neuf heures le commandant de l'escadrille arriva et vit que la Junon était toujours là . Il s'approcha de T…. qui lui confia l'affaire. Dix minutes plus tard, le chien était à bord.

 

 

Fifille à gauche et Popeye. Après le désarmement de "L'africaine", Fifille embarquera sur "L'artémis" en remplacement de Phallus  

Prosper du "Saphir" (Ex hms Satyr)

 

 

Les sucesseurs de Prosper du Saphir (Lucien Manach)

 

Le "Saphir" peut se vanter du nombre de mascottes car après Prosper il y eu trois autres chiens : Totoche - Whisky - et la soeur de Totoche.

Totoche avait, comme Prosper que je n'ai pas connu à bord, l'habitude de nous accompagner au foyer et il valait mieux garder la main sur la bouteille de bière car Totoche glissait sa langue dans le goulot et faisait basculer la bouteille pour boire sa petite bière comme les copains. Je l'ai vu au retour du foyer de Missiessy je crois, essayer de monter les escaliers de la 1ère ESM qui se trouvait dans une aile du dépôt de TOULON. Il fallait le porter pour grimper aux étages.

Je crois qu'il a terminé sa vie quelque part en Bretagne chez le bosco du bord que je n'ai pas connu. C'était un compagnon fidèle il servait en outre de bouchon d'étoupe et, presque tous les mécanos du bord s'essuyaient les mains en le caressant. 

 

 

Totoche à droite et Whisky du Saphir

 

Totoche du Saphir en arrière plan le kiosque du Laubie à couple du Béarn

 

 

 

 

 


"Paulo" en 1947, affecté aux sous-marins de poches au côté de René Mazères (Photo Yves Souchard)

 

 

        

 

Souvenir de la "Créole" et "l'Artémis" (Pierre Monfort 1953-1961)

 

Lors de mon embarquement en novembre 1953, il y avait une chienne dénommée Francis. C'était une chienne très propre qui faisait ses besoins dans la poulaine. Francis a fait la campagne de Suez.

 

En escale à La Valette (Malte) en 1956, Francis s'amourache d'un  gigolo local. De ses

ébats torrides, naît un rejeton, baptisé Nasser. Nasser  n'est pas très à la hauteur, et n'obtiendra pas son Macaron de Sous marinier.

 

Francis est morte écrasée par un camion des S.A.O

En 1958, arrive Mamina, une chienne récupérée à Lisbonne par le Quartier Maître Mécanicien Tajean, contre une cartouche de cigarettes.

  

J'ai bien connu Phallus de l'Artémis. En 1959, lors du carénage à Lorient,  Phallus, fidèle à sa tradition, est de faction à la coupée. Le Quartier Maître Galopin, factionnaire, fait sa ronde à bord. Lorsqu'il remonte sur le pont, il aperçoit face à face sur la coupée, Phallus prêt à bondir sur l'officier de garde. L'Officier voulant obliger Galopin à mettre le chien en prison, celui-ci lui répond «mettez- moi en prison et non le chien» ce qui fut fait. Le Quartier Maître fit huit jours de prison, ce qui lui couta son passage au grade de Second Maître

 

 

 

Pierre MONFORT avec Puce chienne de bâtard cocker embarquée sur "L'artémis" avant Phallus

 

 

 

Une aventure de Bobby du "Blaison" (B.Arthus de la section Emeraude)

Le chien qui avait raté l'appareillage de son sous-marin

 

C'était en septembre 1953, à Toulon. Le sous-marin "Blaison", ex U-Boot du type IX, s'apprêtait à appareiller pour un exercice interallié en Atlantique. Après l'appel des hommes, rendu complet, il fallait se rendre à l'évidence : Bobby, le chien du bord, n'était pas là . Pendant que l'équipage était aux postes de combat de vérification, on le chercha bien dans toute la base de Missiessy, mais en vain.

Bobby était un petit ratier bâtard, à l'aspect plutôt souffreteux. Il était en effet atteint d'une claudication sévère consécutive à un accident de chasse aux rats (chute dans le bassin à partir du pont d'un sous-marin en carénage). Mais, parmi les chiens et les hommes de la 1ère escadrille de sous-marins, c'était une vedette : n'avait-il tenu un modeste rôle de chien dans le film "Casabianca" (le nôtre, et pas le célèbre "Casablanca" avec Humphrey Bogart et lngrid Bergman...). Il était aussi connu pour ses amours parfois tumultueuses avec la chienne du "Roland Morillot ". C'était un de ces chiens heureux de prendre la mer, comme l'étaient alors la plupart des chiens de sous-marins. Que s'était-il donc passé ? Nous ne le saurons sans doute jamais, mais il est permis de croire qu'une aventure féminine ait pu être la cause de son absence.

Il nous fallut donc appareiller sans notre chien, ce qui n'allait pas de soi à une époque où la tradition du chien-mascotte était solidement établie et justifiée par l'absence de technique appropriée pour la mesure de la respirabilité de l'air : au ras du parquet, le chien était le premier à ressentir les effets de l'oxyde de carbone. On le mettait alors sur une couchette supérieure et on prévenait le poste central…

 

Le transit vers Casablanca eut lieu par mer d'huile et temps chaud. Du côté des Baléares, après la plongée journalière de vérification (le "bidet"), une baignade en haute mer remit tout le monde en pleine forme. En ces temps anciens, la baignade autour du sous-marin se déroulait sans aucune contrainte réglementaire : il n'était même pas nécessaire de savoir nager, chacun prenait ses responsabilités. Le message de plongée indiquait la durée de la plongée  et on y ajoutait celle de la baignade et, à l'issue de celle-ci, nous transmettions le message de surface. C'est là que les ennuis commencèrent car notre émetteur principal, un Téléfunken T 200 ayant fait la guerre avec les Allemands, tomba en avarie. Et les efforts du maître radio, pourtant spécialiste en la matière, n'y purent rien.

Le P.C. Opérations de l'Escadrille ne recevant pas notre message de surface, une sourde inquiétude se fit jour à la base de Missiessy et se mit à grandir au fil des heures. Ne disait-on pas que Bobby, averti par quelque pressentiment, avait tout bonnement préféré ne pas appareiller ? Je crois même que l'on déclencha l'opération SUBMISS, procédure OTAN de recherche d'un sous-marin manquant. Heureusement pour tout le monde, nous approchions de Gibraltar et le fameux message put finalement être transmis au moyen d'un autre émetteur, de portée plus faible.

Mais revenons à Bobby. Ce lundi matin, quand il arriva devant l'appontement que le "Blaison" venait de quitter, il ne voulut pas y croire et fit le tour de tous les postes d'amarrage. Sait-on jamais ? Même indisponibles pour la navigation, il arrive que les sous-marins changent de poste, comme pour se dérouiller les jambes... Peu à peu, Bobby sentit grandir son désarroi et résolut d'attirer l'attention sur son sort. Il repassa devant chaque sous-marin et, debout sur son arrière train désarticulé, il entreprit de "faire le beau", sachant comment cette attitude lui obtenait souvent de menues faveurs, à la cafétéria par exemple.

Comme il lui fallait bien survivre, on le vit à midi à cette cafétéria, située sous le pont d'envol du vieux porte-avions "Béarn" qui nous servait de base et il y fut l'objet de toute la sollicitude des autres équipages mais l'appétit n'y était pas. Alors il comprit qu'il fallait frapper plus haut : il se rendit donc dans une coursive toute proche que nous appelions irrévérencieusement "La Rue Sans Joie". On y trouvait les bureaux de l'Etat-major et le P.C. Opérations. Partout il fit le beau pour implorer, de son regard triste qui disait : "Voyez ma détresse, faites quelque chose et aidez- moi à retrouver mes amis !"

Sa supplique fut écoutée, car on l'embarqua sur "L'Andromède" qui appareillait deux jours après le "Blaison" pour la même destination. Sur "L'Andromède" qui avait une chienne à bord il fallut beaucoup de doigté pour obtenir une cohabitation sans histoire car, s'il était exceptionnel de ne point avoir de chien à bord, il était tout aussi inhabituel d'en avoir deux.

La traversée se passa fort bien et, devant Casablanca, l'équipage monta Bobby par l'échelle du panneau pour le poste de manÅ“uvre.

 

 


"L'andromède" (au centre) et le "Blaison" (à droite) à Casablanca en 1953.

 

 

Sur le "Blaison" amarré l'arrière à quai à la jetée Delure, l'équipage, ou du moins ce qu'il en restait tant 1'escale était appréciée, attendait sur le pont. A la vue de Bobby, les cris fusèrent :

- "Bobby lâcheur !."

Sous ces affectueux reproches, Bobby, tout penaud, allait de long en large, partagé entre le remords de son escapade et la joie de retrouver son bateau. Les manÅ“uvres d'accostage lui paraissaient bien longues et n'y tenant plus, malgré son handicap physique et sa phobie de l'eau. il se jeta à la mer pour rejoindre le "Blaison". Ah ! La brave bête !  Copyright B. ARTUS, août 2003 (tous droits réservés)

 

 


Photo communiquée par Jean Lelong ancien radio du "Blaison"

 

 

 

Les chiens mascottes de la 1ère ESM (G. OUARAD 1950-1960) Chaque bateau avait sa mascotte, tous les chiens étaient embarqués et sous-mariniers. 

Il était rare qu'un sous-marin appareille sans son chien, et si parfois chassant une chienne dans l'arsenal, il entendait le coup de sirène, il radinait dare dare . Il est arrivé qu'il rate l'appareillage. Les autres bateaux, alors,  le prenait en subsistance en attendant  le retour du sous-marin. 

Au mouillage la nuit, il tenait compagnie au factionnaire. Il n'aimait pas les gendarmes maritimes, les douaniers et la nuit les officiers de garde effectuant leurs rondes. Il n'était pas question pour eux de monter à bord sans que le factionnaire tienne le chien. Si des douaniers rodaient autour de l'AMT et des sous-marins au retour de mer, c'est Paulo le chien ratier de la 1ère ESM qui donnait l'alerte. Paulo était le chien fétiche de l'escadrille et un peu le patron des chiens.

Tous les chiens étaient suivis par un vétérinaire, à quai, les équipages déjeunant à 11 heures avaient pour mission de ramener le repas des chiens fourni par la cuisine du Béarn et dieu sait si on y mangeait bien.  

Voici une anecdote concernant Phallus un épagneul breton hargneux et testard. Il était embarqué sur l'Artémis dans les  années 1958 à 1960.

Une nuit où j'étais de faction sur le pont à l'abri du massif, Phallus me tenait compagnie, il était couché sur une couverture à mes pieds.

Vers 2 heures du matin, l'officier de garde qui effectuait sa ronde n'eut pas le temps de mettre un pied sur le pont que le chien se détendit d'un bond pour le mordre entre les jambes, s'accrochant hargneusement et ne voulant pas lâcher prise.  L'officier de garde criait. Prenant à deux mains les mâchoires du chien, j'essayai de lui faire lâcher prise. Phallus était furieux et l'officier de garde est allé se faire soigner à l'infirmerie.

A l'appel du matin, je fis mon rapport à l'officier en second, le LV G…… qui fut convoqué chez le commandant en second de l'escadrille le CF L…….  qui n'était pas l'ami de tout le monde .

Avant les représailles, notre commis le quartier maître chef M……. qui après avoir mis Phallus dans un cageot sur le tan-sad de sa grosse moto l'amena en subsistance chez lui à la Seyne sur Mer où il habitait une maison de campagne.

A la suite de l'affaire, le commandant en second de l'escadrille arriva sur le quai avec deux gendarmes maritime pour capturer le chien.

Phallus avait fait le bord, à la grande colère des représentants de l'ordre et la grande joie de l'équipage, a qui on donna l'ordre de récupérer le chien par tous les moyens dans l'arsenal.

Pour ma part, je fus questionné par le commandant en second. L'officier, victime de l'attaque de Phallus, confirmant mes dires, ce qui m'évita des ennuis. 

Phallus a continué à vivre sa vie à la campagne, remplacé sur l'Artémis par Fifille de l'Africaine qui avait désarmée. Fifille partie en retraite en 1965, après le désarmement de l'Artémis

Quelques années après, étant à l'équipage supplémentaire de la 1ère ESM, j'étais chargé de la base annexe de Castigneau où logeait l'équipage du Roland Morillot.

Voilà qu'un jour avant de larguer les amarres, l'officier en second du Roland Morillot, le LV «de C de F»  vient m'annoncer que le quartier maître mécanicien L…..  Manquait à l'appel ainsi que le chien du bord, Bacchus.. Il me donna pour consigne «de les garder au chaud tous les deux» en attendant le retour du bateau.

Le Roland Morillot parti, le quartier maître L… et le chien regagnèrent la base annexe. J'interrogeais le quartier maître lui demandant : «pourquoi as-tu raté l'appareillage» ?  Il me répondit  ceci : «Voilà patron le chien depuis quelques temps refuse d'appareiller avec son bateau et je me suis dit si le chien n'a plus confiance dans ce bateau, moi non plus. C'est pour cela que j'ai volontairement raté l'appareillage»..

Par la suite, le quartier maître L… (Mais pas le chien) a été envoyé en consultation à l'Hôpital Sainte Anne chez le psychologue, qui le déclara inapte à la navigation sous-marine.

Peu de temps après, le Roland Morillot eut de graves ennuis lors d'une sortie à la mer, et fut désarmé en Mars 1967

 

"Paulo" de la 1ère ESM par Michel Verhoye de la Section "Doris"

 

A propos de Paulo. 

 

J'étais alors en fin 1964, à la 1ére E.S.M. en équipage supplémentaire sur l'Eurydice et j'attendais le début du cours de C.E. de l'E.N.S.M.  Une anecdote de cette période (à défaut de la date précise) est restée bien présente dans ma mémoire. Anecdote, qui me fait écrire que le chien Paulo était encore bien en vie fin 1964.

Un jour donc, de novembre ou de décembre, quelques joyeux drilles de l'époque, (ils se reconnaîtront sûrement) ont peint le dessus de la queue de Paulo avec de la peinture de pont !

Paulo, habituellement avec sa démarche chaloupée due à son âge avancé, venait chercher son morceau de sucre à chaque appel. En voyant arriver Paulo, le capitaine d'armes (un P.M dont j'ai oublié également le nom, mais il boitait !) outré et très en colère, avait promis une punition mémorable à ou aux auteurs du délit pour avoir déshonoré ainsi, la queue d'un officier marinier (fut-il dératiseur !) Il n'y eu bien sûr, jamais de délation.

Je crois que le vieux Paulo errait encore clopin clopant à la 1ére E.S.M. début 1965. Jusqu'à quand vécu t-il véritablement ?  Mais si le temps de nos toutous (Paulo, Brigitte, pic-pic et tous les autres) est disparu depuis longtemps, ils restent heureusement et joyeusement à vagabonder d'un bout à l'autre de notre mémoire.

 

Février 2008 

 

"Domino"  de l'Andromède -  1er février 2011, par  A Franz

 Pour revenir sur Domino de l'Andromède ; Une journée d'été, à quai, notre Domino s'était assoupi sous un Fenwick de l'arsenal bien à l'ombre, lorsque le manutentionnaire a démaré, ce pauvre chien a eu une partie du museau écrasé, et aussitot il a été emmené chez un vetérinaire où il a pu etre sauvé malgré les séquelles subies. C'est un QM breton qui l'a emmené chez lui avec l'accord de l'équipage, terminer sa vie beaucoup plus au calme !!  Un grand moment de tristesse...

 

 

"Domino" avec Alain FRANZ - 1962 -

  

 

 

Phallus de "L'artémis" amateur d'officier de garde

 

Fifille après le désarmement de "L'africaine", remplaça Phallus sur "l'Artémis"

 

 

 

Domino de "L'andromède" - Port Vendres - 1963 -Photo Jean Carle

Milord de la "Créole" la tête sur la négresse (bidon de vin) - 1959 - 1ère ESM - Photo Jean Carle

 

 


Bacchus de "L'espadon" en 1960 embarquera ensuite sur le "Roland Morillot" en 1965. 

 

 

 


Folk le cocker du LAUBIE amateur de natation

 

 

 


L'aristo chien du LAUBIE se présente

 

 

1940 le "Casabianca" à Conakry - Commandant Sacaze

 

Cacahuète pose fièrement sur la tête d'un requin. Photo Louis Gicquel 

 

1942 sur le "Marsouin" - Commandant Mine

 


Musclée sera de tous les appareillages

 

  

Les destins tragiques

 

Mickey : dit "Mick" de l'Astrée

 

disparu en mer au large de la Corse au cours d'un exercice de débarquement de commandos. (Daniel DEMOULIN).

 

 


Mick de "L'Astrée"

 

 

Casa du Roland Morillot

 

Baptisé «Casa» car né au large de Casablanca, fils de «Fifi» mascotte du Marsouin.

 

Lors de ratés successifs de lancement des diesels au schnorchel, nous avions été obligés de faire surface pour ventiler. Casa s'écroula au central. Malgré la promptitude à lui faire prendre l'air à la passerelle, il mourut avant l'arrivée à quai. Il fut immergé au large de Groix, son corps cousu dans une toile de hamac lesté. En présence de l'équipage. (Christian LECALARD).

 

 


Casa du "Roland Morillot" - 1962

 

 

Jobic du "Narval"

A l'armement du Narval en 1955 à Cherbourg, nous avions une petite chienne : «Carmen» qui devait donner naissance à une portée de chiots.

Nous en avions assez pour «armer» les premiers sous-marins du type Narval … hélas ! il n'y avait personne pour les prendre en charge et nous n'avons gardé que le plus beau que nous avons prénommé «Jobic» car son père était «Job», le chien du Marceau, ancien contre torpilleur allemand alors basé à Cherbourg.

«Jobic» devait faire une longue carrière sur le Narval qu'il m'est impossible de raconter ici, depuis sa chute du pont d'envol du Béarn, jusqu'à sa fin tragique sous une balle de la gendarmerie maritime.  (Benjamin ARTUS).

 

Mousse de la Junon (1940)

 

Emporté par une lame un vendredi 13. A participé au débarquement du commando qui a saboté  la centrale hydro-électrique de GLOMFJORD en 1943, servant à la fabrication de l'eau lourde. (Amiral MATHEY).  

 

 

1963 - "SCHNAPS" adopté par la "GALATEE" ( Photo P. Rousselle)

"SCHNAPS" à la douche - 1963 - (Photo P. Rousselle)

 

  

 

Pic-pic et le "MORSE" (Amiral NOUGUE)

 

Le "MORSE" fut construit aux chantiers du Trait à cinquante kilomètres de la mer. L'équipage arrive par petits paquets et pendant la construction est abrité dans une petite maison appartenant aux chantiers et baptisée "Pic-Pic"  pour rappeler l'origine première du chantier qui était une usine de textiles et c'est  là que l'équipage adopta un petit chiot irrésistible né dans ces lieux et qui prit le nom de "Pic-Pic". 

 

 

 


PIC-PIC le très élégant chien du "MORSE" - (Photo d'un admirateur)

 

  

 

 

 

 

Recensement

 

 

NOMS

ORIGINES

EMBARQUEMENTS

Bacchus I

Indéterminée

RUBIS (1939-1945)

Aristo

Indéterminée

RUBIS (1945-1950)

Radium

Scottish-terrier

CURIE (ex HMS VOX 1943 - 1945)

Paulo

Ratier

1ère ESM (1950-1960)

Mickey

Indéterminée

ASTREE

Popeye

Ratier

AFRICAINE

Prosper

Indéterminée

SAPHIR (ex H.M.S SATYR)

Milord

Indéterminée

CREOLE

Fifille

Indéterminée

AFRICAINE puis ARTEMIS

Phallus

Epagneul breton

ARTEMIS

Folk

Cocker

LAUBIE (ex U 766)

Domino

Epagneul

ANDROMEDE

Casa

Indéterminée

Roland MORILLOT (ex U 2518)

Arbre à came

Indéterminée

JUNON

Bacchus II

Indéterminée

ESPADON

puis Roland.MORILLOT

Jobic

Indéterminée

NARVAL

Fifi

Indéterminée

MARSOUIN

Pic-Pic

Indéterminée

MORSE

Bobby

Ratier

BLAISON  (ex U 123)

Jim

Indéterminée

GYMNOTE

Mousse

Indéterminée

JUNON (1943)

Puce

Indéterminée

ARTEMIS

Nasser

Indéterminée

CREOLE

Francis

Indéterminée

CREOLE

Diane

Indéterminé

2ème ESM

Cacahuète

Indéterminée

CASABIANCA(1940)

Moumousse

Indéterminée

CASABIANCA(1942)

Musclée

Indéterminée

MARSOUIN  (1942)

Turcot

Indéterminée

TURQUOISE (1938)

Milou

Indéterminée

DORIS

Bacchus II

Indéterminée

MILLE (1960)

Brigitte

Indéterminée

ARTEMIS

Black

Indéterminée

ANTIOPE

Whisky

Indéterminée

LAUBIE (1950)

Tango

Indéterminée

MONGE

Museau

Indéterminée

ESPADON (1960)

Kiki

Ratier

AMPHITRITE

Schnouf

Ratier

ROLAND MORILLOT (1948)

Carmen

Indéterminée

NARVAL

 

 

 


Napoléon a embarqué à bord du Blaison en Corse en 1957 - 1957 Blaison - Serge WINTERSDORFF -.

 

 

 


Et pour finir Casa de la "Psychée"

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

  

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